Certaines études évoquent la compétition entre abeilles dites « domestiques » – aussi désignées Apis Mellifera – et les pollinisateurs sauvages, en particulier les abeilles solitaires. Nous sommes souvent sollicités pour répondre à ces constats par des entreprises qui souhaitent implanter des ruches sur leur site. Nous connaissons bien sûr ces études et les avons lues très attentivement.
Nous ne contestons pas la compétition entre les abeilles sauvages et l’Apis mellifera sur le bol alimentaire (les fleurs que les abeilles butinent), lorsqu’il y a beaucoup de densité de ruches d’Apis mellifera, celle-ci se faisant de manière défavorable pour les premières dans un rayon de 600m à 1200m autour du rucher. Toutefois, plutôt que de créer une opposition entre les abeilles gérées par les apiculteurs et les pollinisateurs sauvages, il est important de rappeler que les enjeux ici sont multiples.
Tout d’abord, l’Apis mellifera est un témoin de la chute de tous les autres pollinisateurs, plus surveillée au quotidien que les autres. Son rôle va donc au-delà de la pollinisation et la production de miel, elle permet aussi une biosurveillance des zones où elle évolue.
Ensuite, tous les pollinisateurs ne butinent pas les mêmes plantes : la longueur de leur trompe/langue ne leur permettant pas de butiner toutes les fleurs. Pour celles dont l’alimentation est identique, nous pouvons réduire cette compétition entre pollinisateurs en élargissant et diversifiant le bol alimentaire disponible afin que les abeilles solitaires, les Apis mellifera et les autres pollinisateurs puissent se nourrir et se reproduire. Les collectivités, les entreprises peuvent agir de manière très sensible sur cet axe. Un autre point de vigilance est d’être attentif à la densité de ruches surtout en milieu urbain car c’est bien en ville que le bol alimentaire est plus réduit et que la compétition peut-être plus aiguë.
Enfin, la perte de biodiversité – et principalement celle que l’on constate chez les abeilles – est lié à des facteurs connus tels que les produits phytosanitaires (néonicotinoïdes par exemple) sur lesquels la législation peut intervenir. Nous devons donc privilégier ces solutions qui sont l’adoption de politiques de conservation des pollinisateurs.
Ainsi, installer des ruches sur son site reste une action vertueuse et fédératrice qui peut s’accompagner de la plantation de plantes locales dites « mellifères » (riches en pollen et nectar) tout en évitant d’avoir recours aux produits phytosanitaires. Pour aller plus loin, il est possible de compenser la dégradation des habitats naturels des pollinisateurs, en construisant des petits abris pour les abeilles solitaires par exemple !